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Jean-Pierre Bouchez - Savoir, connaissance, compétence, pratique. De quoi parle-t-on ?

On en conviendra aisément, le terme de savoir, déjà en lui-même largement protéiforme et en partie flou, fait l’objet de confusion récurrente, avec celui de connaissance, y compris parmi certains chercheurs, qui emploient indifféremment les deux termes. La langue française en effet, comme les langues espagnoles et allemandes proposent l’usage de deux termes distinctifs : savoir et connaissance, alors que la langue anglaise ne mobilise qu’un seul terme, celui de knowledge.

Toutefois pour être complet sur cette tentative de clarification de concepts proches, il nous faut, définir et présenter, celui de compétence, de même que le terme de pratiques, plus rarement mobilisé.

LE REGISTRE DU SAVOIR.

Dans un ouvrage adapté en anglais publié en 2004, Dominique Foray, spécialiste reconnu de l’économie de la connaissance, souligne que le terme français de savoir peut être converti en anglais en y adjoignant le qualificatif certifié (certified knowledge), en référence à la légitimation par un dispositif institutionnel, (tel qu’une épreuve d’évaluation validée par des pairs). Ce mécanisme ne serait pas exigé selon lui, s’agissant de la connaissance (knowledge) comme par exemple, littéralement « knowing how to do the gardner ». On pourra objecter toutefois dans ce dernier cas, que le jardinier mobilise plutôt des compétences (competences, skills)… De notre point de vue le terme de savoir renvoie à deux acceptations combinées : une conception extensive et une conception d’extériorité par rapport à la personne et à ses connaissances.

Une conception extensive.

La première acceptation que nous proposons est de nature extensive, en ce qu’elle recouvre un large un large continuum qui se déploie à travers des composantes combinées, imbriquées et hiérarchisées contribuant à sa création, son usage et son développement. Ces composantes s’échelonnent des « données » aux « expertises » en passant par les « informations », les « connaissances » et les « compétences ». Cette perspective permet de saisir le lien ainsi que les enjeux entre la hiérarchisation combinée des composantes du savoir et la croissance de sa valeur (marchande). Il convient d’ajouter à cela que la valeur intrinsèque de ces différentes composantes augmente parallèlement le plus souvent en liaison avec leurs difficultés d’accessibilité via leur déplacement de la sphère publique, de plus en plus sous forme numérique (« données » et « informations »), vers la sphère privative (« connaissances », « compétences » et « expertises »), attachées à des personnes et incorporées dans leur cerveau. L’imbrication et la combinaison de ces composantes apparaissent ainsi en ce que l’expertise se nourrit de données et d’informations, notamment dans le secteur financier. Dans cette optique, les connaissances constituent donc une des composantes du savoir.

Une conception d’extériorité par rapport à la personne et à ses connaissances.

Le savoir peut être également appréhendé comme une composante cognitive d’une certaine manière extérieure à la personne et relativement objectivable. Il peut être ainsi constitué par l’obtention d’un diplôme académique ou professionnel reconnu (un baccalauréat professionnel, une maitrise, un master, etc.), dans telle où telle discipline, d’une certification (constituant elle-même une reconnaissance associée à une épreuve validée), dans un domaine particulier, d’une habilitation explicitement exigée pour accomplir certaines activités (comme l’HDR, où habilitation à diriger des recherche dans le champ académique). Le savoir, dans cette perspective, constitue ainsi une référence formellement légitimée et socialement reconnue.

LE REGISTRE DES CONNAISSANCES.

Le champ des connaissances offre de multiples formulations et perspectives possibles (comme d’ailleurs celui des compétences sur lequel nous reviendrons plus sommairement. Simplifions. En ne présentant qu’une distinction structurante, mais souvent combinée.

Les connaissances explicites.

C’est cependant moins le cas des connaissances explicites, qui d’une certaine manière en contrepoint des précédentes. Elles se réfèrent à des savoirs aisément formalisables, codifiables et donc réutilisables par autrui et, partant, plus aisément transmissibles que les connaissances tacites. En pratique, elles sont souvent plus attachées à une organisation (exemple : dispositif méthodologique relativement standardisé, conçu et utilisé par un cabinet de conseil et régulièrement mobilisé par les consultants). D’une certaine manière, elles se positionnent entre l’information et les connaissances tacites. Naturellement, ces deux formes ne sont jamais dissociées ni exclusives l’une de l’autre. Elles se combinent, coexistent et participent à la création de connaissances organisationnelles. Ainsi dans cette configuration le cheminement suit un processus qui va de l’extériorisation objectivable à l’intériorisation subjective (savoir formel légitimé, connaissance explicite, en pratique attachées à une organisation et enfin, connaissances tacites).

Les connaissances tacites.

Elles se réfèrent plus volontiers à la personne. C’est naturellement et typiquement le cas des connaissances tacites, dont on peut trouver les premières définitions chez l’économiste Marshall dans son ouvrage célèbre, Principles of Economics, publié en 1890, ont été surtout mises en évidences par Polanyi en 1966, qui mobilise alors une formule lapidaire et illustrative devenue célèbre : « we know more than we can tell ». En d’autres termes, les connaissances tacites (auxquelles on peut à notre sens y adjoindre des compétences tacites) sont attachées à des personnes, qui en sont en quelques sortes « propriétaires », et se réfèrent à des savoirs et savoir-faire forgés dans la durée à travers l’accumulation d’expériences, mais tout en reposant souvent sur un substrat théorique.

LE REGISTRE DES COMPETENCES.

Ce concept a fait l’objet de multiples formulations, variables selon les usages qui en sont faits. Nous ferons ici l’économie de cette vaste revue de la littérature, pour reprendre une formulation synthétique qui s’accorde globalement à définir les compétences comme des caractéristiques individuelles et collectives attachées à la possibilité de mobiliser, de manière efficace, dans des contextes donné, un ensemble de connaissances, de savoirs faire et de comportements. Bien que mobilisant logiquement pour une large part des connaissances, la tonalité des compétences en diffère cependant pour partie en ce qu’elles prennent en compte de manière accentuée l’expérience et s’expriment plus directement dans l’action. Le terme de compétences tacites ou explicite est également utilisé par des professionnels, (notamment dans le cadre de leur modalité de transfert entre les personnes).

LE REGISTRE DE LA PRATIQUE.

Ce dernier terme, associé dans la littérature souvent indifféremment aux savoir, connaissances et compétences d’expériences, est mobilisé par certains auteurs. Ainsi des chercheurs canadiens comme Davel et Tremblay, soulignent récemment que l’idée de la « connaissance issue de la pratique » s’appuie sur le fait qu’apprendre n’est pas une activité isolée, mais qu’elle prend forme dans le flux d’expériences que l’on vit, que l’on en soit conscient où non. Un auteur comme Gherardi observe pour sa part, que le concept de « pratique » est fécond, dans la mesure où il permet d’analyser les connexions entre les individus, les collectivités, les organisations, les institutions et les contextes au sein desquels ces connexions prennent une forme spécifique. Ce terme est également principalement associé aux communautés de pratique, introduit à travers les travaux séminaux de Lave et Wenger au tout début des années 1990. Rappelons que cette expression se réfère selon Wenger à « un groupe dont les membres s’engagent régulièrement dans des activités de partage de connaissance et d’apprentissage, à partir d’intérêts communs ». Mais nous pouvons dès à présent souligner que ces auteurs avaient observés que les membres d’une communauté cherchent pour l’essentiel à développer leur compétence propre sur une pratique particulière, qu’ils partagent entre eux. Cet échange et ce partage conduit à l’élaboration d’un « répertoire commun de ressources », qui ne sont pas des connaissances explicites stockées. Comme on le voir le terme de pratique, comporte de fortes analogies avec les compétences tacites. Mais il occupe une place particulière plus spécifiquement dans le cadre de communautés associées à son nom.

Puisse ce billet d’humeur avoir quelque peu contribué à clarifier ces différents concepts et leurs usages, en univers académique et surtout professionnel.